Un documentaire sur l’hypnoseet son utilisation dans les soins pendant et après un cancer. Monsieur Yves Halfon est psychologue clinicien, ancien Président de l’institut Milton H. Erickson de Normandie, de l’Association Francophone d’Hypnose Dentaire et Vice-président de la Confédération Francophone d’Hypnose et de Thérapie Brève.
Transcription – Formation Hypnose Yves Halfon:
L’hypnose en fin de compte , c’est ça qui est extraordinaire , c’est que les médecins d’avant , ont eu des fulgurances , c’est à dire des intuitions qu’ils ont mis en place mais il leur a manqué un certain nombre de savoirs , qu’on a acquis , nous , par d’autres recherches , par l’avancée des sciences, des sciences humaines etc .
La définition de Braid , qui est un ophtalmologiste qui pense qu’effectivement l’hypnose , c’est d’abord une fixation visuelle puis ensuite une intériorisation quand la personne a fermé les yeux etc. Nous , aujourd’hui , la définition est toujours exacte c’est à dire il y a toujours une fixation de l’attention du patient mais l’attention du patient , il nous la donne aussi parce que , quand il vient avec sa douleur , son attention est fixée sur la douleur .
On n’a pas besoin de lui montrer ou de lui dire « regardez mon doigt , fixez mon doigt etc …. petit à petit, vous réduisez le champs visuel puis petit à petit en fermant les yeux on va travailler votre imagination »: non ! , il est déjà dans sa douleur et son imagination travaille , il est déjà sur ce qu’on appelle une hypnose morbide , une hypnose de peur , » qu’est ce que ça veut dire cette douleur ? pourquoi je ne peux plus sourire à mes petits enfants ? qu’est ce que va dire le médecin avec ses examens complémentaires ? » .
Donc , on sait qu’ils sont sur un registre entre guillemets que nous, on dirait hypnotique , que d’autres parleraient d’imagination morbide ou d’imagination douloureuse en fonction de ce que la personne vit dans son corps mais on a une fixation de l’attention .
Une personne qui, en fin de compte arrive pour un soin invasif mais qui a déjà eu mal lors de ce soin , quand elle arrive en salle de soins , quand elle arrive au bloc opératoire , elle est forcément angoissée et son angoisse est alimentée par sa mémoire : « la dernière fois , ça s’est mal passé » donc elle imagine que, forcément, ça va mal se passer.
C’est pour ça que, par exemple, les médecins , les infirmières des hôpitaux ,des cliniques , de Becquerel vont légitimer le patient, c’est à dire qu’on va reconnaître son droit d’avoir peur. On va reconnaître son droit de pleurer , on va reconnaitre son droit d’être tendu.
Alors , quand on va dire » monsieur détendez vous » ça , ce n’est pas reconnaitre son droit d’être tendu et c’est même nier ce qu’il nous apporte , c’est bloquer ce qu’il nous apporte : une tension musculaire , c’est le premier moment d’hypnose , la fixation de l’attention et ensuite on va reconnaître qu’il a droit à une représentation horrible du soin qu’il va avoir puisque , antérieurement c’était difficile.
Et même s’il ne l’a pas vécu , il a entendu d’autres patients en parler , donc en reconnaissant qu’ils ont le droit de penser que ça va encore mal se passer que c’est normal qu’il se tende pour lutter, même si , logiquement , il sait très bien qu’il a besoin de ce soin, çà n’est pas logiquement qu’on contrôle notre corps , c’est par le biais de l’imagination mais là, on est sur un registre d’imagination.
Donc si le soignant veut entraîner le patient dans un mode beaucoup plus confortable , beaucoup plus tranquille , il doit aller le chercher dans ces représentations morbides, dans ce que nous, on a l’habitude d’appeler l’hypnose négative du patient et pour aller le chercher là et pour amener le patient vers ce que l’on souhaite, on est obligé de le reconnaître, de créer un contrat de confiance qui va passer par une phrase qui paraît d’une nullité impressionnante: » monsieur, avec ce que vous montrez de votre émotion, avec ce que vous me dites de vos croyances autour des soins , si j’étais à votre place avec ces mêmes croyances , je crois que ce serait aussi vraiment difficile pour moi ».
Et ça , c’est quelque chose d’extraordinaire parce que le patient sait qu’il n’est plus seul . Il a le soignant avec lui, parce que le patient qui a peur, qui raconte à sa femme, qui raconte ça à ces copains de bistrot , il s’entend dire: » écoute , ça s’est passé comme ça la première fois mais tu sais que ça peut se passer autrement ».
Ils vont tenter de le rassurer mais ils le laissent dans la peur parce que ces paroles qui cherchent à rassurer le patient, c’est pour se réassurer eux ! » il me désempare , qu’est ce que je vais pouvoir lui dire pour que mon corps soit en équilibre ? » ….mais le patient, lui , il reste tout seul ! et si nous, les soignants comme on faisait avant , on pensait bien faire véritablement , on pensait bien faire, de dire au patient : » mais non, çà va se passer autrement , je vous assure… je vais vous aider » , là encore , le patient reste dans sa difficulté.
Alors, il comprend bien que le soignant tente de l’aider un petit peu mais ça ne va pas marcher et le soignant ne pourrait pas proposer de l’hypnose à ce moment là parce qu’il nie ce que donne le patient donc c’est pour ça que cette phrase quand on dit moi j’aime bien le terme « légitimer ».
Je suis à peu près le seul peut-être en France avec les élèves et peut-être d’autres enseignants médecins à le prendre, il n’est pas généralisé. Cette façon de légitimer, c’est véritablement de reconnaître le patient et reconnaître le patient , ç’est de se mettre à sa place et le patient se détend !
On n’a pas besoin de dire « monsieur, respirer plus profondément » , c’est stupide puisque sa réaction normale, c’est une réaction de lutte ou d’évitement , de se dire » oui , oui , je comprends qu’il faut ce soin là mais en même temps j’ai envie de partir » et ça va se marquer dans son corps, la respiration va être courte et éventuellement suspendue, le rythme cardiaque un peu accéléré , parce qu’il doit réagir alors sa logique est de dire » bon je reste là » mais la peur, elle est là !
C’est un stress tout à fait naturel !.Donc, une fois qu’on a légitimé le patient, il se détend et ce qui est très intéressant, c’est ce qu’on appelle la règle de réciprocité et elle est vraie aussi bien pour les amérindiens, elle est vraie aussi bien pour les berbères , pour des bretons , pour les basques …
Quand on fait une offrande (et là le médecin, l’infirmière a par le fait de reconnaître ce patient fait une offrande de façon inconsciente) , cette patiente doit remercier, c’est à dire » je te fais une offrande en te reconnaissant totalement » , la personne est obligée de remercier , donc elle va se dire » puisque tu me reconnais , moi , je te reconnais en tant que soignant » et ça, c’est très essentiel et la deuxième chose qui va être importante , c’est la phrase de transition.
J’utilise la phrase la plus habituelle qu’une soignante m’avait donnée , (alors qu’on peut avoir vraiment une série de phrases de transition en fonction des patients) c’est de dire » c’est pour ça que je vais vous aider » « c’est ce que je veux pour vous , c’est , malgré tout ce que vous m’avez dit , qu’aujourd’hui, ce soit un petit peu plus confortable, qu’aujourd’hui le soin soit beaucoup plus rapide » et c’est ça qui est suffisant parce que on ne va pas leur dire « bon, je vais vous aider, on va faire de l’hypnose, je vais vous proposer une technique dite hypno-analgésie » et le soignant va prendre combien de temps pour faire quelque chose de cet ordre là?
Donc , il faut immédiatement qu’il ait une stratégie d’ordre hypnotique qui consiste à commencer par la reconnaissance du patient, la fixation de l’attention, la phrase de transition et ensuite le basculer dans l’imaginaire.
Pour le basculer dans l’imaginaire , on n’a pas besoin de rapprocher les doigts, de lui demander de jouer les cosmonautes : c’est simplement de lui demander « mais au fait, qu’est ce que vous faites pour souffler un tout petit peu chez vous? » ou « vous m’avez dit que vous étiez ébéniste ? j’aimerais que vous me racontiez le bois, j’aimerais que vous me racontiez les différentes odeurs en fonction du travail des différents bois etc, j’aimerais que vous me racontiez les différentes odeurs de la colle, vous pouvez me raconter les différentes poussières, copeaux en fonction si c’est du merisier ou si c’est du chêne? » etc…
Et la personne va se lancer là-dedans, se lancer dans ce qu’elle aime, elle va être dans son atelier d’ébénisterie, elle n’est plus à Becquerel et c’est ça qui nous intéresse , qu’elle soit dans sa passion d’être dans l’atelier d’ébénisterie et cetera, et , effectivement le cerveau , tout son cerveau est dans ce registre là , donc le soin même s’il y avait de la nociception qui remontait vers le cerveau, il y a de forte chance qu’il ne soit pas interprété .
Donc, le mot hypnose ne sera jamais prononcé dans une hypnose de soins. « monsieur, je reconnais votre peur, votre douleur etc » et c’est pour ça que moi, en la reconnaissant, j’aurai une phrase de transition plus déjà ce travail là .
Ca, c’est déjà très très important. Evidemment, le résultat de ce soin est différent . Les personnes sont étonnées « déjà? le soin a eu lieu ? » ça c’est essentiel.
Mais c’est vrai qu’il y a d’autres techniques parce qu’il y a des personnes qui ne peuvent pas rentrer dans leur imaginaire , alors, on va jouer sur le » comme si »: notamment, par exemple, quand on serre le poing » monsieur , serrez encore plus le poing » on fait le soin, il a mal ; mais si on lui dit « monsieur , serrez le poing et faites comme si les doigts étaient collés à la paume de votre main , vous savez très bien que c’est faux , mais faites comme si « puis une ou deux suggestions que le confort s’installe , on ne va pas dire forcément qu’on fait le soin actuellement et vous verrez que la personne est effectivement dans le virtuel , dans l’imaginaire et ç’est çà qui est important.
Il y a plein de techniques comme ça qui peuvent aider effectivement le patient à ne plus être dans la logique du raisonnement, d’analyser la situation, d’analyser les différentes sensations et c’est parce qu’il ne fonctionne plus sur le mode d’ un acte conscient volontaire , de lutte en disant « oui, oui , j’accepte le soin mais j’ai mal ». Il va être dans un mode de fonctionnement imaginaire , mais l’imagination peut fonctionner à vide , ça peut être des images .
On peut très bien avoir une personne qui puisse nous dire » mais non, moi, je n’ai jamais d’image, je ne pense à rien ». On sait très bien , par exemple que dans une journée d’une personne , il y a des moments où elle fixe un point, puis il y a une forme d’arrêt sur image , la personne n’a pas de pensée , pas d’image , elle est un peu ailleurs , un peu absente. Le modèle , on le sait très bien , c’est le modèle de la morphine .
Créé le: 15 décembre 2020. Dernière Mise à jour: 24 décembre 2020